Les abîmes, loin d'être vides, étaient peuplés de masses de substance aux nuances inconnues, présentant des angles indescriptibles, dont les unes semblaient organiques et d'autres inorganiques. quelques-uns des objets organiques pouvaient éveiller de vagues souvenirs au fond de sa mémoire, bien qu'il ne parvînt pas à former une idée consciente de ce que par dérision ils lui rappelaient ou lui suggéraient. dans les rêves plus récents, il commença à distinguer des catégories selon lesquelles les objets organiques semblaient se répartir, et qui impliquaient, pour chaque cas, des espèces radicalement différentes de comportement et de motivation. l'une de ces catégories lui parut réunir des objets un peu moins illogiques et aberrants que les autres dans leurs mouvements. tous ces objets organiques ou non échappaient totalement à la description ou même à la compréhension. gilman comparait quelquefois les masses inorganiques à des prismes, des labyrinthes, des grappes de cubes et de plans, des constructions cyclopéennes et les êtres organiques le frappaient diversement comme des groupes de bulles, de pieuvres, de millepattes, d'idoles hindoues vivantes et d'arabesques compliquées saisies d'une sorte d'animation ophidienne. tout ce qu'il voyait était indescriptiblement menaçant et horrible et chaque fois qu'une des entités organiques semblait par ses mouvements déceler sa présence, il éprouvait une peur atroce, profonde, qui généralement le réveillait en sursaut. il n'en savait pas plus sur le déplacement des entités organiques que sur le principe de ses propres mouvements. avec le temps, il observa un nouveau mystère certaines entités avaient tendance à apparaître brusquement dans le vide, ou à disparaître totalement avec la même soudaineté. le tumulte de cris, de grondements qui envahissait les abîmes défiait toute analyse quant à la hauteur, au timbre ou au rythme mais il semblait synchrone avec de vagues changements dans l'apparence de tous les objets indéterminés, organiques ou inorganiques. gilman redoutait sans cesse qu'il n'atteigne quelque intolérable degré d'intensité au cours de l'une ou l'autre de ses mystérieuses fluctuations qui revenaient toujours, impitoyablement